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nier, ce dernier membre de l’administration du journal. J’ai fourni ma version à Rumilly qui, lors de la préparation de son Henri Bourassa, m’avait rendu visite. J’ai raison de penser que le biographe s’en est servi. Il importe d’abord de se rappeler que, depuis 1924 environ, et surtout depuis les articles contre les « Sentinellistes », les désabonnements ont commencé à pleuvoir sur le journal, et à un rythme inquiétant. Journal nationaliste, Le Devoir a, depuis lors, cessé de l’être. Il est devenu terne. Bourassa y collabore de moins en moins ; mais il continue de le lire et de le suivre d’un œil de cerbère ; et il prétend bien que son œuvre suive sa propre évolution. Le Devoir devra donc rajuster son tir, abandonner son ancienne combativité. Le directeur n’entend plus qu’on touche à ses cibles de naguère, pas même à M. Taschereau. L’un des principaux rédacteurs me confiera un jour : « Nous en sommes réduits à nous comporter comme à la rédaction de La Presse. Chaque matin nous tenons conseil : — Sur quel sujet faire le premier-Montréal ? Sur ceci ? — Non. Sujet intouchable. Défense expresse du directeur. — Sur tel autre ? — Encore moins. Alors, comme à La Presse, nous nous mettons à la recherche du sujet le plus inoffensif, le plus banal. » À ce régime, on comprend ce qu’a pu devenir Le Devoir, ce qu’y devient l’annonce et ce qu’y devient la finance. Les créanciers se font plus exigeants, menacent. Bref, voici le journal acculé à la faillite prochaine… ou au départ du grand responsable : Bourassa. Lui-même, mécontent de son œuvre, a déjà plusieurs fois parlé de démission. Crise d’humeur ou intention véritable ? Héroux et Pelletier, qui ont tant donné à l’œuvre et même, peut--