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quatrième volume 1920-1928

cien chef, le disciple aimait naguère rappeler en ses véhémentes philippiques, comment l’homme de la « conciliation » lénifiante et endormante avait conquis à ses procédés jusqu’à ses adversaires politiques. L’ancien chef est bien vengé. La plus illustre conquête de M. Laurier aura été une conquête posthume : il aura reconquis M. Bourassa.
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M. Bourassa a fait à notre ancienne Action française un grief entre quelques autres. Il lui a reproché d’avoir prôné le « séparatisme ». Laissons de côté, pour le moment, la part d’inexactitude et de fantaisie que comporte le reproche énoncé en cette forme absolue. Nous voulons seulement rappeler un fait et un texte. Le premier article de Notre avenir politique, où, après bien d’autres, nous reposions la question de l’État français dans l’est du Canada, parut dans la livraison de janvier 1922 de L’Action française. Puisque la Confédération, disions-nous, en somme, menace de tomber, ne serait-il pas opportun de songer où demain nous logerons ? Quelques semaines à peine auparavant, le 22 décembre 1921, un banquet avait lieu à Québec. C’était au lendemain des élections fédérales. LaVergne avait été défait. Des amis offraient au vaincu l’hommage d’une manifestation publique. À ce banquet un orateur prononça les paroles que voici : « La Confédération a vécu, en puissance. Durera-t-elle vingt ans ou trente ans, je l’ignore ; mais elle doit se dissoudre un jour… En annexant cet immense territoire de l’Ouest où devait pénétrer l’influence américaine, les pères de la Confédération ont fait une erreur capitale. Ils ont mis le poison dans le berceau de l’enfant. De plus en plus notre vie nationale sera dominée par la rivalité de l’Est et de l’Ouest… Puisque la Confédération a vécu, nous devons surtout préciser notre programme, le limiter à nous-mêmes. Refaisons-nous nous-mêmes… Les Anglais ont voulu employer la Confédération à nous asservir, mais ils n’ont pas voulu de l’association égale avec nous. Cherchons donc ailleurs des appuis… »

Ces paroles, qu’on ne se récrie pas, sont bel et bien de M. Henri Bourassa. Et nous les empruntons à son journal, Le Devoir, no du 23 décembre 1921, p. 2, col. 2. M. Bourassa dira, sans