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quatrième volume 1920-1928

6 septembre 1910 s’ouvre à Montréal le 21e Congrès eucharistique international, le premier tenu au Canada. Bien organisé, il se déroule dans un ordre parfait, au milieu de splendides solennités. Aucun incident désagréable n’est venu déranger l’harmonieux mécanisme. Nous sommes au 10 septembre, veille de la procession à travers Montréal et veille de la clôture. Bourassa doit parler le soir, à l’église Notre-Dame, transformée, pour la circonstance, en auditorium. On le répète un peu partout : l’orateur se sent inquiet. Il sait l’attente publique. À Notre-Dame, le délégué papal sera entouré d’évêques du monde entier. Dans le chœur de l’église, devenu l’estrade, prendront place des sommités catholiques d’un peu tous les pays. La lutte scolaire ontarienne s’amorce. Le siège épiscopal d’Ottawa est en jeu, vigoureusement disputé par les Irlandais. Conduits, animés par l’évêque batailleur de London (Ont.), Mgr Fallon, ces coreligionnaires mènent partout, au Canada et jusqu’à Rome, une guerre sourde, mais vigoureuse, à l’influence canadienne-française. L’heure ne serait-elle point propice de porter, devant un public exceptionnel, un débat en train de contaminer la vie de l’Église canadienne ? Bourassa est un peu de cet avis. Mais par quel biais, ou par quel bout aborder la question ? Et comment éviter le risque de transformer un congrès religieux en assemblée contradictoire ? La Providence se chargerait d’y pourvoir. Dans l’après-midi de ce jour, Bourassa prend la parole à l’Arena devant une assemblée monstre de jeunes gens. On évalue l’assistance à 25,000. Il parle à côté de Mgr Adélard Langevin, le « blessé de l’Ouest », qui prononce un discours fougueux, pathétique. L’archevêque de Saint-Boniface reste la vedette de la réunion. Bourassa, qui se réserve inconsciemment pour la soirée, ne prononce qu’un bref discours.

Le soir, je me rends de bonne heure à Notre-Dame. Je veux me trouver une place qui me soit convenable. Le temple est bondé. Tous les sièges de la nef, tous ceux des galeries occupés, et de même quelques bouts d’allées. Le monde officiel, le légat papal marchant en tête, fait son entrée dans le chœur. Et les discours