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mes mémoires

On l’observera : cet appui sur la culture de France entendait se défendre de toute inclination au colonialisme culturel. Ce serait un appui ; ce ne serait pas une tutelle. Pour s’en expliquer plus clairement, le directeur de L’Action française recommandait le recours à l’histoire, aux « sources qui nous sont plus proches, qui emportent avec elles la substance de notre passé et de nos traditions ». « Jamais, insistait-il, le magistère de l’histoire ne devra se taire au milieu de nous. Et nous faisons de cet enseignement un autre article de notre doctrine. » Sur ce point capital, je n’épargnais point l’insistance :

Un programme d’action nationale ne saurait oublier le point d’appui nécessaire, le type humain qui est en cause… Puisque nous voulons vivre, apprenons d’abord quelle vie est en nous, quel germe attend de s’épanouir… Pour secouer plus rapidement le maquillage anglo-saxon… pour nous changer en sang et en nourriture les meilleurs éléments de la pensée française, rien ne vaudra mieux que de laisser agir le principe vivant qui est en nous… n’avoir plus que cette volonté : être absolument, opiniâtrement nous-mêmes, le type de race créé par l’histoire et voulu par Dieu.

Enfin, après les sources françaises, je revenais plus amplement aux sources romaines. Délégué, mandaté en quelque sorte par mon Archevêque à la direction de L’Action française, j’étais bien résolu, dans mon action patriotique, à ne me dépouiller en rien de ma qualité de prêtre, de mon caractère sacerdotal. J’apercevais là, du reste, une transcendance d’objectif ou de fin qui ne m’a jamais gêné. Et je cite encore cet autre extrait qui, dans ma pensée, établissait la coordination des plans : le temporel et le spirituel, et me paraissait sauvegarder l’essentielle hiérarchie :

Les nations aussi bien que les individus sont soumises aux fins suprêmes ; une nation n’a même de raison d’être que dans le respect et la glorification de cet ordre. Et c’est pourquoi nous nous attachons à l’Église catholique, non pas seulement parce qu’elle est la plus grande puissance intellectuelle, le vaste dépôt de l’universelle vérité ; non pas seulement parce qu’elle est l’auguste et la première gardienne de l’ordre moral, [mais parce] que, de l’ensemble harmonieux des vertus qu’elle propose aux peuples, dépend la prospérité sociale. Nous nous attachons à l’Église, d’abord pour les titres divins qui l’imposent à nos esprits