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troisième volume 1920-1928

tout instant voilés d’ombres ou de larmes, et une voix, malgré son timbre un peu fort, d’une tendresse prenante. Et de cette puissante stature, où n’apparaissait pas l’ombre de la virago, se dégageaient une indéniable distinction de manières, un air de vieille race, d’Ancien régime, quelque chose de l’impressionnante noblesse de tous les êtres qui se sont laissés habiter par des rêves magnifiques.

Je la vis plusieurs fois. Je possède quelques-unes de ses lettres. J’eus à m’occuper de la publication de son dernier roman : La Sève immortelle. Elle m’avait voué une franche amitié. Quel attachement elle dédiait à son pays, aux gens de sa race, à leur avenir intellectuel, à tout leur destin. Je me trouvai chez elle le jour où l’on nous avait appris la mort de sir Wilfrid Laurier. « Que le cher grand homme était aimé ! » me dit-elle. Elle pleurait.

Autre figure comme il n’en existe plus d’aussi pure, d’aussi élevée dans nos lettres. Sur de Gaspé, sur Marmette, sur Choquette, son œuvre attestait une réelle supériorité de forme. Et pour les sujets et pour l’inspiration, quelle distinction dans l’esprit !

Mgr Louis-Adolphe Paquet

Qui eût souhaité rencontrer un abbé de l’Ancien régime, air grand siècle, sans le rabat et la perruque bien entendu, mais d’une urbanité et d’une distinction parfaites et tout simple par surcroît, n’aurait eu qu’à s’en aller frapper à une porte d’un long corridor du vieux Séminaire de Québec. Un prêtre lui eût apparu grand, mince, au visage fin, aux manières de gentilhomme, d’une politesse exquise.

Ce qui frappait d’abord en Mgr Louis-Adolphe Paquet, c’était la simplicité de son accueil. Cet homme avait pourtant une réputation, un passé. Il était le conseiller de maints évêques, de nombre de personnages laïcs et ecclésiastiques. Un grave problème de doctrine agitait-il l’opinion, on se tournait avidement vers l’oracle québecois. Qu’en pense Mgr Paquet ? Son autorité faisait loi. Lors-