Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
troisième volume 1920-1928

je suis destiné à parvenir seul là où je veux parvenir, j’espère bien que je saurai m’y rendre malgré tout, si la Providence le veut. Je suis plus encouragé que jamais et j’espère publier dès ce printemps un volume de contes et nouvelles.

C’est en 1920 qu’il a écrit « L’Appel aux armes », l’article que j’ai indiqué plus haut. C’est aussi cette année-là qu’il songe déjà à quitter Le Devoir, après quelques mois à peine de service. Il souhaite que je le recommande auprès d’un député « pour quelque emploi aux Archives ». Projet qui ne le quittera plus. En 1928, il quitte Le Devoir et devient traducteur aux débats : ce qui lui vaut presque six mois de congé par année. C’est alors qu’il écrit son premier grand roman Nord-Sud. Il eût souhaité le publier par tranches en la Revue hebdomadaire de Paris. En janvier 1931, je partais pour mes cours en Sorbonne. Il me prie de négocier cette publication auprès de François le Grix, directeur de la revue parisienne. Là-bas, ai-je entamé la négociation ? Quel accueil m’a-t-on fait ? Desrosiers m’écrit le 17 novembre 1931 en s’excusant d’avoir hâté la publication de son roman au Canada :

… je veux aussi m’acquitter d’un devoir que la presse du travail ou la fatigue m’ont empêché d’accomplir jusqu’à date : vous remercier des bons conseils que vous m’avez donnés pour Nord-Sud et des efforts que vous avez faits pour le faire pénétrer outre-mer. Je vous en suis vivement reconnaissant.

À partir de l’année 1932 nos lettres s’espacent. Le traducteur aux débats souhaite toujours mieux que son ingrate fonction. Il se voudrait plus complètement libre, plus entièrement adonné à une œuvre littéraire. Entre-temps il a pris goût à l’histoire. Il songe toujours aux Archives. Cependant il souhaite un milieu plus propice au travail intellectuel que celui de la capitale canadienne, milieu déprimant. Dans une lettre du 17 décembre 1934, il m’en brosse un sombre tableau :

… je m’intéresse toujours à l’histoire. Mais Ottawa est dans tout le Dominion la ville où pourrissent le plus de bonnes volontés, de talents, de résolutions. Il y a la bataille monstrueuse des partis, celle des races, celle des religions, des communautés, etc. Un individu est jeté là-dedans comme un grain de blé entre des meules toujours en mouvement, jamais au ralenti. Alors les gros