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française au Canada, il venait de publier, dans les Lettres de Paris, un article qu’Albert Lévesque avait commenté dans Le Semeur de mars 1924. Ancien élève du Petit Séminaire de Québec et de l’Université Laval, parlant par conséquent dans un milieu où sa parole prenait quelque autorité, il y avait exposé et défendu nos points de vue. René Chaloult, dans une lettre du 24 avril 1925, me décrit l’effet produit par la conférence de l’ami Perrault :

Nous avons beaucoup goûté la conférence de M. Perrault. Il nous a exposé avec vigueur, un substantiel résumé des doctrines de l’Action française. Notre jeunesse est sortie enthousiasmée. Et nos professeurs d’université très songeurs. Nous n’avons pas entendu un seul mot de critique mais beaucoup de paroles élogieuses. On me dit que les Messieurs du Séminaire ont discuté le lendemain la partie qui traitait de « Notre avenir politique ». Ils ont été fort surpris de constater que le projet n’avait pas la couleur révolutionnaire qu’ils lui prêtaient. Bref M. Perrault, par sa fermeté et son tact, a acquis à lui-même et à l’Action française la sympathie de tout l’auditoire. Nous voulons publier en brochure sa conférence afin de la distribuer un peu partout.

Calme temporaire, trompeur que celui-là. Nos jeunes amis ne tarderont pas à s’en apercevoir. On se rappelle l’incident folichon auquel avait donné lieu le projet de quelques élèves du Séminaire d’installer en chacune de leurs classes un buste de Dollard. Une déconvenue de même espèce attend René Chaloult et ses amis. Forts de l’exemple de leurs camarades de Montréal et du grand succès de leur propre présentation d’un buste du héros au parlement de Québec, manifestation où s’est portée une foule de 15,000 personnes, les étudiants idéalistes décident de tenter la même démarche auprès de l’Université Laval. Un moment ils croient tenir leur victoire, ainsi qu’en témoigne une lettre de notre jeune ami de Québec :

Après maintes difficultés qu’il nous a fallu surmonter, nous avons enfin réussi à faire accepter notre buste de Dollard par le Conseil du Séminaire. Nous l’offrirons donc solennellement le 24 mai dans les jardins du Grand Séminaire. C’est M. Camille Roy qui doit l’accepter comme recteur de l’Université. Cela nous cause bien quelques appréhensions… C’est une situation assez piquante. Nous comptons sur la présence de 15 à 20 mille personnes.