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troisième volume 1920-1928

Les choses se gâteront pourtant davantage. L’abbé Camille Roy et ses amis ont gardé mauvais souvenir, ai-je déjà dit, de la polémique soulevée par L’Appel de la Race. Tout ce qui est Action française leur paraît suspect. Peut-être aussi trouvent-ils étrange que la jeunesse québecoise, celle du Séminaire et celle de l’Université, prenne ses mots d’ordre et son système de pensée à Montréal plutôt qu’à Québec. C’est une lettre assez alarmiste que m’écrit, le 12 décembre 1924, René Chaloult :

Je sais qu’il y a présentement encombrement d’articles pour votre revue L’Action française. Aussi je vous demande de vouloir bien surseoir à la publication du mien, s’il n’en est pas trop tard. J’ai eu récemment des difficultés assez considérables avec le Recteur de Laval au sujet de nos idées et du travail auquel nous nous livrons, quelques amis et moi, pour leur diffusion. Il a même été question de renvoi de l’Université parce que, disait-on, nous répandions, parmi les étudiants et les écoliers, des doctrines dangereuses. Nous avons trouvé dans le Conseil du Séminaire de bienveillants défenseurs, et tout est calme pour le moment. Toutefois, je crois qu’il est plus prudent pour moi d’attendre une couple de mois avant de publier l’article que je vous ai envoyé. Vu les circonstances, M. C. Roy se croirait sûrement visé ! il est très chatouilleux… C’est Monsieur Robert toujours si dévoué pour nous qui m’a conseillé de vous écrire dans ce sens.

Me permettrez-vous d’ajouter un mot pour votre propre information ?… M. Roy, cherchant à me convaincre des « erreurs » de l’Action française, ajoutait d’un air mystérieux que, même au sein de votre Ligue, il y avait de profondes dissensions. Cette insinuation, répétée sans doute, s’est peu à peu accréditée ici. Naturellement on a prétendu que la suppression de votre nom sur la revue n’était nullement étrangère à ces divisions, etc…

On imagine un peu quelles impatiences, et voire quel esprit de fronde de pareils embêtements peuvent susciter dans un milieu d’étudiants. Perplexes, nos jeunes amis ne savent où se tourner. Comme on les souffre difficilement à l’ACJC et qu’on les redoute ainsi qu’un élément révolutionnaire, ils songent à quitter les rangs de leur association et à s’organiser plutôt sur le type du groupe d’Action française. Dans ses lettres, René Chaloult revient souvent sur l’à-propos de cette solution. Mais ce serait