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troisième volume 1920-1928

teurs ou des anciens membres de l’A.C.J.C. Enfin, il importe surtout de rechercher ce qui tend à nous unir, plutôt que ce qui pourrait nous séparer.

Je crus très opportun moi-même d’y aller de mon commentaire, sous le pseudonyme de Nicolas Tillemont. Cette querelle d’Allemand me paraissait inconcevable. J’écrivis donc :

Nous aimons cette explication, encore que la nécessité d’une telle mise au point, dans un milieu de Jeunesse catholique canadienne-française, donne à penser sur l’ouverture de quelques esprits. Jalouse de son indépendance, l’Action française a toujours respecté celle des autres. Il est vrai qu’elle n’a jamais recommandé à la Jeunesse catholique l’usage du bâillon et du cache-nez, et le coton dans les oreilles, comme des moyens infaillibles de formation à l’apostolat ; mais elle n’a jamais essayé, que nous sachions, de faire dévier de leur but les œuvres qu’elle n’avait pas fondées. Elle n’a jamais demandé à personne d’autre adhésion que l’adhésion libre et réfléchie que peuvent mériter ses activités et sa doctrine. Si elle s’accorde avec les meilleurs éléments de toutes les œuvres catholiques et patriotiques, c’est que tous ensemble, nous regardons à la cause avant de regarder à des intérêts de coteries… (L’Action française, IX : 382-383).

Mise au point qui ne calmerait point l’orage. On aimera lire une description de l’état des esprits dans ce même milieu, tel que le peint, en mars 1924, mon jeune correspondant René Chaloult. La citation est longue, mais elle en vaut la peine. On apercevra, une fois de plus, ce que devient, même en démocratie, la liberté de penser :

Il vous semble, me dites-vous, dans votre bienveillante lettre du 5 mars, que « nos idées perdent du terrain parmi la jeunesse qui retourne à la politique ». J’avoue que cette phrase m’a un peu surpris. Elle m’a aussi poussé à poursuivre une petite enquête sur l’état d’esprit de mes confrères de l’Université, particulièrement des étudiants en droit : car ceux qui pensent se rencontrent surtout parmi ces derniers.

Me permettrez-vous de vous exposer brièvement le résultat de mes recherches ?

Presque tous mes confrères de la première année (il en est vraisemblablement de même des autres) ont fait partie dans leurs collèges respectifs de Cercles de l’A.C.J. Ils y ont subi