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troisième volume 1920-1928

René Chaloult

Mes relations dureront plus longtemps avec René Chaloult. Je désirais faire de L’Action française une œuvre totalement canadienne-française, je veux dire de tout le Canada français. J’allais donc au-devant de la collaboration partout où j’avais espoir de l’obtenir. Ainsi me tournai-je vers Québec où, de tout temps, j’ai compté des amis — et des ennemis — et qu’on n’amène pas toujours facilement, même ceux-là, à collaborer avec Montréal. En 1923, commence à poindre, à Québec, un jeune étudiant en droit qui n’a pas fini de faire parler de lui. On le connaît déjà dans les cercles de l’ACJC. C’est dès 1923 que je l’invite à collaborer à L’Action française. Il me répond tout de suite par une lettre chaleureuse (16 novembre 1923) :

Je reçois à l’instant votre gracieuse offre de collaborer à L’Action française. Je dois d’abord vous remercier et vous dire que je suis fort touché et honoré de votre bienveillance à mon égard.

Je cite quelques autres parties de cette première lettre. Elles renseignent sur l’état des esprits à Québec vers 1923 à l’égard de L’Action française, et même sur toute la question nationale :

Permettez enfin, cher monsieur l’abbé, que je profite de l’occasion qui m’est offerte de vous exprimer ma plus profonde admiration pour votre œuvre splendide. Admiration certes qui peut vous paraître trop platonique, comme celle de plusieurs jeunes québéquois ; mais, soyez aussi assuré que si à Québec les groupes d’Action française — car il en existe plusieurs, quoique non officiellement, — semblent vivre dans une si complète inactivité, ce n’est pas toujours leur faute. Vous connaissez mieux que moi d’ailleurs les difficultés nombreuses auxquelles nous nous butons sans cesse. Plusieurs de nos aînés, trop souvent hélas ! ne se contentent pas de se moquer de nos idéaux et de nos ardeurs qui voudraient se manifester en actions utiles, mais ils mettent le plus d’entraves possibles à toutes nos entreprises. Tout leur zèle consiste à détruire celui qu’a la jeunesse pour le bien. Je pourrais vous en citer des exemples fameux au sein même du Séminaire de Québec.

Hélas, l’hostilité sourde va bientôt se changer en hostilité ouverte dans le milieu québecois. Notre enquête sur « Notre avenir politique » a scandalisé les bonnes âmes. On y a vu les prodromes