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troisième volume 1920-1928

Né en Angleterre, de parents canadiens-français, il a fait ses études au Séminaire de Saint-Hyacinthe, puis est devenu correspondant parlementaire au Droit d’Ottawa, de 1919 à 1923. Cette dernière année, il passera à la direction du Courrier de Saint-Hyacinthe. En sa lettre du 14 décembre 1922, il m’envoie un article sur Âmes et paysages de Léo-Paul Desrosiers. Il l’offre à L’Action française. J’en profite pour l’inviter à devenir collaborateur régulier de la revue. Il accepte le « grand honneur ». Ce sera le début d’une correspondance de dix ans et d’une collaboration continue où le jeune journaliste et jeune romancier va m’imposer le rôle d’un mentor ou d’un directeur intellectuel. Il me soumettra ses manuscrits ; je m’efforcerai de lui enseigner sa technique d’écrivain, sinon de romancier. Un extrait de l’une de ses lettres (29 janvier 1924) me rappelle ce rôle :

Je me suis procuré, conformément à votre avis, plusieurs traités de linguistique et d’études grammaticales. J’avoue qu’ils m’ont révélé bon nombre de choses. À vrai dire, ils ont aussi un aspect déprimant, nous faisant sonder notre néant. J’ai lu Stapfer, Lanson, G.O. D’Harvé (Parlons Bien) et le Comment il ne faut pas écrire d’Albalat. Après cela, c’est à se demander si l’on ne ferait pas mieux de casser sa plume pour toujours ? Ce n’est pas une mince affaire que d’écrire en français !

Ma tâche de mentor n’est pas des plus faciles à remplir. Deux fois, la lecture de ses premiers romans en manuscrits m’impose de lui conseiller loyalement des refontes considérables. Le débutant se soumet en toute humilité :

Je vous remercie sincèrement du service que vous m’avez rendu en vous imposant la lecture de ma littérature. J’ai essayé d’être docile et de mettre à profit vos observations. J’ai déjà pas mal refait de mon livre en m’inspirant de vos remarques.

Le 26 août 1925, Harry Bernard m’écrit encore, cette fois à propos de sa Terre vivante :

Vos remarques ne m’ont pas déplu, loin de là. J’en ai mis à profit le plus que je pouvais et j’ai refait complètement le volume depuis que vous l’avez lu. Je vous remercie de ne pas me cacher mes vérités et de me donner ainsi quelque moyen pratique de me corriger.