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troisième volume 1920-1928

maints autres points, L’Action française tiendra à manifester son caractère de revue d’avant-garde. Elle figure au premier rang parmi les propagandistes d’un drapeau spécial pour la nationalité canadienne-française. L’une des premières, également, et ce sera en 1927, elle fera campagne en faveur d’un drapeau distinct pour le Canada et d’un drapeau sans Union Jack. Dans le même ordre d’idées, elle préconise la nomination d’un gouverneur canadien à Rideau Hall. Dès l’année 1923, L’Action française mène la « petite guerre » contre les Knights of Columbus, cette infection scandaleuse de la nation canadienne-française (voir IX : 375). Et elle se risque à cette attaque à un moment où sont à craindre de dangereuses réactions en hauts lieux. Elle y revient en 1927. Mais dès novembre 1923, elle a consacré à la chevalerie colombienne, ce bas de page point du tout équivoque :

Les Knights of Columbus de la province de Québec — on les appelle Chevaliers de Colomb, nous ne savons trop pourquoi — viennent de protester publiquement contre la collusion de quelques-uns de leurs « conseils » avec les loges maçonniques. Il appartiendra aux Knights of Columbus du Québec de faire un autre pas et de se mettre complètement à l’abri de ces gênantes compromissions. S’ils veulent bien y réfléchir, ils s’apercevront qu’il n’y a qu’une race de coloniaux comme la nôtre, sans personnalité et sans fierté, pour importer ainsi une œuvre étrangère — comme on importa le syndicalisme américain — sans la mesurer ni à nos besoins ni à notre esprit. Les catholiques d’Angleterre, qui appartiennent à un peuple adulte, ont refusé d’avaler le morceau sans l’accommoder à leur convenance : ils ont fondé les Knights of St. Columba. Les catholiques de France sont en train de faire de même, en fondant les Chevaliers de Jeanne d’Arc. Ainsi nos amis de la Nouvelle-Angleterre et de Québec qui viennent d’instituer une chevalerie indépendante, strictement conforme à l’esprit catholique et français. Quand les Knights of Columbus du Québec auront accompli cette rupture que leur imposera tôt ou tard le sentiment de la dignité nationale, s’aviseront-ils de supprimer de leur rituel, ces cérémonies macabres et rosses dont le moins qu’on puisse dire, a écrit François Veuillot, après avoir vu, « est qu’elles répugnent profondément à l’esprit latin ? » (L’Action française, X : 271).

Sur ce même sujet, on parle aussi courageusement en 1954 : c’est-à-dire trente et un ans plus tard, et sans plus de succès. Il