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troisième volume 1920-1928

glaise, le libre-échange pour les provinces du centre, la protection ou le transport par le canal Welland pour l’Ontario qu’aussitôt les cadres des partis s’effacent dans ces petites patries ; la solidarité groupe à peu près tout le monde. Pourquoi serait-il interdit à la députation québecquoise de prendre les mêmes attitudes, surtout lorsqu’elle n’aurait pas à revendiquer les droits douteux de l’égoïsme provincial, mais les droits sacrés de la charte fédérale ?

Ce neutralisme ou plus exactement peut-être, cette couardise de nos représentants fédéraux et de nos hommes publics en général m’ont toujours paru inconcevables et inqualifiables. On ne saurait, me semble-t-il, faire plus sottement le jeu de l’adversaire et surtout l’inviter à ne pas se gêner. C’est à la suite de l’une de ces sottises que j’étais amené un jour à proposer une décoration spéciale pour ceux des nôtres dont l’insanité défie toute imagination. Cela se fût appelé l’Ordre de l’Anneau dans le nez. J’écrivais ceci en bas de page, en décembre 1927 (L’Action française, XVIII : 393) :

L’Ordre de l’Anneau dans le nez à celui-là !

Lors de la réception des voyageurs de la « Survivance française » à l’Hôtel de Ville de Montréal, l’autre jour, M. le maire aurait conseillé à nos compatriotes de l’Ouest — comme si le conseil n’était pas pour eux une insulte — d’être charitables envers leurs concitoyens d’autres races, leur rappelant que nous devons donner l’exemple en étant toujours respectueux des minorités.

Qui a fait commettre cette gaffe au maire de Montréal ? Car il est entendu que M. le maire ne fait pas lui-même ses discours écrits, que la grammaire et la littérature académique comptent au nombre des mille et une choses qu’il ignore et se fait gloire d’ignorer. Mais alors quel est le pion, quel est l’imbécile qui lui a mis dans la bouche cette bêtise ? Quelqu’un proposait l’autre jour de créer une décoration, un Ordre pour cette sorte de gens qui poussent la sottise jusqu’au génie : l’Ordre de l’Anneau dans le nez. L’idée est excellente. Que le souffleur de M. le maire de Montréal se nomme donc. Et nous lui enverrons l’Anneau et y ajouterons même la longe. J.B.