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troisième volume 1920-1928

question : « La revue avait été fondée en janvier 1917. Dès mars, un nouveau directeur prenait rang parmi nous. Cette date mérite d’être retenue, car la Providence nous amenait alors celui qui devait plus tard recueillir la succession de M. Héroux, puis devenir le vrai chef de notre Ligue, son théoricien et son animateur… Comment sommes-nous allés à lui ? Comment est-il venu à nous ? La chose est toujours demeurée quelque peu mystérieuse, tant elle fut soudaine et facile. Sa place était évidemment parmi nous. Il l’occupa la première fois comme s’il y avait été installé dès l’origine. Il était de notre Ligue avant même d’y entrer » (L’Action française, XVI : 344).

Comment suis-je devenu directeur
de
L’Action française ?

Mais une autre question se pose : comment suis-je devenu directeur de L’Action française ? Je l’ai noté plus haut : mes collègues de la Ligue, consciemment ou non, m’en ont peu à peu conféré le rôle. Ma collaboration à la revue est tout de suite passablement assidue. On me confie l’annonce de la première enquête : mode, méthode d’étude des principaux problèmes de notre vie française. Mes collègues ne tardent pas à pousser leur pointe. La petite revue a tôt fait d’acquérir de la notoriété. Elle compte déjà dans l’opinion. Très pris par sa besogne au Devoir, M. Héroux, directeur au moins en fait, regrette de ne pouvoir donner à L’Action française toute l’attention et tout le temps que, de plus en plus, elle requiert. L’Action française paraissait le plus irrégulièrement du monde, ce qui est bien, pour une revue, la pire formule de survivance. L’on souhaite donc une direction plus ferme, plus constante ; l’on sent le besoin d’une doctrine plus nette, plus élargie, plus cohérente. Tout cela — je l’ai rappelé dans le volume précédent de ces Mémoires — le Dr Gauvreau, avec sa brusque franchise, me le jette au visage lors d’un dîner que m’offrent mes amis avant mon départ pour l’Europe, en 1921. Le bon docteur, chargé de me souhaiter bon voyage, tient entre autres ces propos qu’on n’aura pas oubliés :

Il fallait exposer largement notre doctrine… L’éminent service rendu par l’abbé Groulx à la Ligue d’Action française, c’est