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de, la noble image que nous avons conservée de vous, c’est celle de l’ancien directeur du Nationaliste, l’image du héros de la cave de la rue Saint-Vincent.

— Oh ! me répondit-il, du ton le plus désabusé, avec un haussement d’épaules significatif, je suis trop vieux pour reprendre le rôle du héros…

Je lui posai alors cette autre question :

— Mais, pour la réalisation de votre grande politique nationale, sur qui comptez-vous ? Sur la vieille génération libérale ?

— Oh non ! elle est trop pourrie !

— Sur la jeune alors ?

— Elle est encore plus pourrie !

Sur ce, il se leva pour prendre congé. Sur le pas de la porte, il me laissa ce dernier mot, avec aux lèvres son pli amer :

— Oh ! vous savez, je ne me sens pas plus d’enthousiasme qu’il ne faut.

Il entra au Canada. Vinrent les élections au parlement provincial. Le nouveau directeur du Canada fit la campagne électorale de 1931. Il la fit avec passion, avec violence, sans scrupules. C’était au temps où, dans la région de Montréal à tout le moins, l’on faisait la lutte électorale sur le dos de ce pauvre Allan Bray, membre du Comité exécutif de la métropole, et pour le prétendu vol de deux « balancines » à la ville. Asselin, toujours victime de son verre grossissant, monta en épingle l’insignifiante affaire. Il en fit un vol de grand chemin, un des pires exploits du gangstérisme. Son ami Antonio Perrault me fera alors cette confidence : « Je ne le croyais pas capable d’une telle malhonnêteté intellectuelle. » Victor Barbeau allait quitter ou avait déjà quitté Le Canada. Minville, qui avait connu Asselin à La Rente, avait refusé de le suivre au journal libéral. Il m’écrivait le 28 janvier 1931 : « Notre ami Asselin verse dans la démagogie de la pire sorte, bien pire que celle qu’il reproche à Houde et Cie. » Là encore, le frondeur Asselin ne put se rentrer les griffes contre ses propres patrons. Il se servit parfois du journal pour leur faire la leçon, étriller à coups de trique les grands fonctionnaires. Un