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Intimité, influence qui auraient pu être dommageables à l’esprit d’un jeune homme de vingt-deux ans qui se passionnait alors pour Lacordaire, Montalembert. On a dit, en effet, et non sans intention critique, que j’avais beaucoup fréquenté l’école des catholiques libéraux. En réalité, et je le répète, je les ai moins lus et moins aimés pour leur doctrine que pour leurs qualités d’âme, pour le magnifique exemplaire de croyants qu’ils incarnaient à mes yeux. Plus tard, on écrira que, par bonheur, Maurras, Barrès m’apportèrent leurs correctifs. Encore une fiction. J’ai peu lu Maurras dont les thèses fuligineuses m’ont peu séduit. J’ai lu davantage Barrès, mais surtout parce que je trouvais en lui un grand artiste du style. Non, au temps de la vie collégiale, le vigoureux correctif ou contrepoison, — je crois l’avoir assez écrit, — je le trouvai en Veuillot et en Joseph de Maistre. J’inscrirai parmi mes contrepoisons, Donoso Cortès, connu à travers Veuillot, puis encore Garcia Moreno dont je lis, — et j’y reviens encore, — après ma Rhétorique, la biographie en deux volumes par le Révérend Père Berthe. L’ajouterai-je enfin ? Dès le collège, je professais déjà un culte pour Mgr Bourget et Mgr Laflèche. J’écris même au journal de l’Académie un long article sur le grand évêque des Trois-Rivières. Quelle autre cuirasse souhaiter et faite de quel autre métal, pour me rendre imperméable à tout poison ?