plus intimes. Que de causeries nous avons tenues au bas de ces coteaux, assis tous deux sous un ombrage, près d’un mince ruisseau qui filtrait ses eaux à travers les herbes. Je traversais des mois d’émotion fébrile. Je lisais des vies de Lacordaire, de Montalembert, d’Ozanam, de Garcia Moreno. Ces lectures me passionnaient à l’extrême. Combien médiocre m’apparaissait le milieu collégial et que j’eusse souhaité trouver quelque part la compagnie des grandes âmes dont se nourrissaient mes lectures ! Étrange puissance de certains propos, de sentiments et confidences échangés aux heures de jeunesse et d’exaltation ! Ce petit lieu poétique, au bas des coteaux de Sainte-Thérèse, est resté gravé comme sur plaque d’acier, en ma mémoire. Je revois encore la source, les hautes herbes, leur couleur ; je revois le petit saule qui, ainsi qu’en une rêverie romantique arrangée tout exprès, nous dispensait l’ombre et ajoutait au minuscule tableau, une pointe de mélancolie. En souvenir d’Horace, nous appelions la source, la Tibérine. Et encore aujourd’hui, après plus de soixante ans, mon ami et moi, nous ne rappelons jamais ces causeries sans un pincement au cœur. Le souvenir m’en resta si fort qu’en ma Croisade d’adolescents, je le recueillis et lui accordai une couple de pages pour évoquer l’état d’esprit d’une certaine jeunesse aux approches de 1900. Heures d’exaltation, ai-je dit, où chante encore en moi toute ma jeunesse !
Et je reviens aux autorités collégiales. Mes maîtres m’ont prodigué bien d’autres marques de leur paternelle bienveillance. On me sait de santé délicate. Or, à une époque où la discipline collégiale se montre si sévère pour les moindres sorties, régulièrement, en mes quatre dernières années, j’ai pu jouir de vacances supplémentaires et sans avoir à les solliciter. Un de ces jours, le directeur m’abordait : « Vous me paraissez fatigué. Vous ne prendriez pas deux ou trois semaines de repos dans votre famille ? N’en parlez à personne. Faites vos malles et partez demain matin. »
Chaque fois, naturellement, je cédais sans trop de résistance. Ah, les beaux congés que ces congés supplémentaires, en des saisons que depuis longtemps l’on n’a pas vécues chez soi ! Vacances du temps des sucres, à l’époque encore de la crémaillère, où le soir tombant, près du brasier rouge sous les chaudrons gon-