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premier volume 1878-1915

Versification. Voici donc le poème en vers de dix syllabes que je soumets au crayon du professeur :

Il est là-bas où le soleil se couche.
S’élevant sombre au grand horizon bleu,
Un mont altier que le nuage touche,
Et qui le soir se couronne de feu.

Il est là-bas où le soleil se couche,
Au pied du mont, le géant de granit,
Un lac dont l’onde au grand fleuve débouche.
Un lac uni, grand miroir du zénith.

Il est là-bas où le soleil se couche,
Au bord du lac, au rivage béni
Où l’Outaouais au Saint-Laurent s’abouche,
Dans un village, un vieux clocher jauni.

Il est là-bas où le soleil se couche,
S’élevant humble, à l’ombre du clocher,
Auprès des blés qui remplacent les souches,
Un toit chéri, c’est le mien, mon foyer !

La rime « ouche » n’avait rien de la suprême élégance. Pourtant, cette fois, le professeur m’a lu. Un peu soupçonneux, il me pose même cette question naïve : « Est-ce vous qui avez fait ces vers ? » Je réponds : « Qui voulez-vous qui les ait faits ? » Pour ce coup, mon style n’avait paru ni « monotone ni rocailleux ». Mes points ont même quelque peu monté. Avais-je enfin touché le succès ? Pas encore.

En Rhétorique

En Rhétorique, j’aurai, cette année-là, pour professeur, mon directeur de conscience, l’abbé Sylvio Corbeil. Professeur d’un goût littéraire plutôt faux, mais qui a la réputation d’un travailleur acharné. Esprit dynamique, il sait faire aimer le travail ; il passionne ses élèves. Sa vie, son exemple de prêtre très digne