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premier volume 1878-1915
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naristes ou prêtres. En ce temps-là les professeurs agrégés à l’institution avaient en réalité l’esprit d’une communauté religieuse. On entrait dans la communauté pour y donner sa vie et pour y mourir, le tout pour un salaire nominal. Le groupe se recrutait par cooptation, invitant ceux-là à s’agréger qui, parmi les séminaristes ou les jeunes prêtres, paraissaient aptes à l’enseignement ou à la vie communautaire. Ces prêtres étaient généralement des prêtres modestement cultivés. La minorité d’entre eux avaient eu la chance d’aller faire des études de philosophie et de théologie à Rome. Rares ceux qui passent par Paris et ont l’occasion de se spécialiser en littérature, en histoire ou en sciences. Le goût de la lecture et de la culture est néanmoins assez répandu parmi ces professeurs de collège. Quelques-uns deviennent d’excellents amateurs, des autodidactes remarquables, sinon des spécialistes. D’aucuns écrivent joliment leur langue. Mais surtout le spectacle quotidien de ces hommes sacrifiant gratuitement leur vie à la jeunesse, toute leur vie, offrait quelque chose d’émouvant, même à nos esprits distraits.

Malheureusement, dans les premières années du cours, nous avions affaire au régime des séminaristes-professeurs. Régime qui devait être le mien, un jour à Valleyfield, et où j’appris qu’en face de leur tâche, ces pauvres tâcherons de l’incompétence étaient moins des coupables que des victimes. On sait en quoi consistait cet ancien régime : enseigner tout en faisant sa théologie. Enseigner, cela voulait dire 3 à 4 heures de classe par jour, des heures encore plus longues de surveillance en récréation, au dortoir, etc. Faire sa théologie, cela signifiait, après une journée de travail éreintant, accorder à cette étude primordiale, pour un séminariste, une heure écourtée, celle de 5 à 6 de l’après-midi, sans autre maître trop souvent qu’un professeur improvisé. Faisait aussi partie de ce régime, le salaire exorbitant de $40 par année : ce qui permet de supputer la part faite, par les pauvres petits jeunes gens que nous étions, à l’achat de livres ou d’abonnements à des revues utiles. Mais surtout quel pouvait être l’enseignement de ces jeunes maîtres ? On le devine sans peine. Pour toute science, ils n’apportaient que leur science de collégiens d’hier, et pour aptitudes, la plus complète improvisation pédagogique. D’ordinaire, les quatre premières années du cours