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deuxième volume 1915-1920

re pour mes collégiens de Valleyfield, j’avais été choqué par la partialité des ouvrages écrits sur ces événements, partialité sommaire, dogmatique. Je ne l’étais pas moins du rapetissement indu qu’on faisait subir à cet épisode de l’histoire canadienne. Pour n’avoir trop fait que de l’histoire politique, et une histoire politique parfaitement étriquée, presque tous nos historiographes avaient inconsciemment, me semblait-il, regardé ces événements par le gros bout du télescope. Pour eux, de 1760 à 1840, le mal au Canada français n’aurait été que politique ; et nos parlementaires ne se seraient nourris que de soucis politiques, que de luttes politiques et autour de ces misérables futilités qui s’appelaient le rite parlementaire du vote des subsides, ou de futiles querelles de préséance entre les Chambres coloniales et les proconsuls britanniques et leurs Conseils. À cela ajoutons le loyalisme désuet, mais ardent et d’autant plus ardent que naïf, professé à l’égal d’une foi religieuse par quatre à cinq générations de Canadiens français envers la Couronne britannique. Et l’on comprendra dans quel relent d’hérésie restaient dûment ensevelis les audacieux qui avaient osé porter la main sur le vieux système colonial.

Pour l’année 1916-1917, je choisis donc d’entretenir mon auditoire de ce que je n’ose appeler, selon la vieille formule, l’insurrection, mais les « Événements de 1837-1838 ». Et je dois avouer qu’en quelques hauts lieux l’on ne me vît pas sans inquiétude aborder le téméraire sujet. Ai-je réussi à y projeter un peu plus de lumière, un peu plus de nouveau ? Je crois avoir fait effort pour donner à ces événements leur véritable caractère et dimension. Beaucoup, ce me semble, cessèrent de les voir comme une période isolée, une explosion volcanique spontanée. Je m’étais appliqué à les présenter comme un simple épisode, une péripétie plus violente dans le long drame politique amorcé au lendemain de 1760, ressurgi en 1774, puis surtout après 1791, drame d’un peuple en quête de sa liberté contre les visées et les entreprises du conquérant. Je tentai aussi de définir l’attitude du clergé et du peuple en cette période troublée. Cette dernière étude devait paraître, quelque temps plus tard, dans la revue L’Action française. Seul chapitre, du reste, de mon cours de