Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

IV

PÉRIODE DE TÂTONNEMENT

Après cette première série de cours sur « Nos luttes constitutionnelles » à l’Université, j’ai pris quelque temps à m’orienter dans mes recherches et travaux d’histoire. Vers quel autre sujet me diriger ? Il s’en fallut de peu que vers ce temps — était-ce en 1916 ou en 1917 ? — ma vie prit une tout autre orientation. Un jeune avocat, futur sénateur, Léon Mercier-Gouin, fréquente assez régulièrement ma chambre. Son père est alors premier ministre de la province. Le fils n’en professe pas moins, verbalement en tout cas, des idées nationalistes. La proposition me venait-elle de lui ? Venait-elle de quelque autre ? Ancien étudiant d’Oxford, il me laisse entendre que si des études en Angleterre paraissent serviables au jeune professeur que je suis, rien ne me serait plus facile que d’obtenir une bourse du gouvernement. Je n’aurais qu’à présenter ma supplique au premier ministre. Ai-je eu tort de ne pas pousser davantage cette affaire ? Maintenant que j’aperçois tout le profit que j’aurais pu tirer d’une couple d’années d’étude à Oxford, j’incline à regretter mon excès de discrétion. La vérité est que farouche indépendant, j’ai toujours répugné à me laisser passer le moindre fil au doigt ou à la langue. J’ai tâché d’organiser ma vie en me passant de l’aide compromettante des politiciens. Je fis mine de ne pas comprendre l’invite de mon jeune ami. Aujourd’hui, je le répète, j’incline à me donner tort. À Oxford, j’eusse pu obtenir une excellente initiation à la discipline historique. J’y aurais appris à manier la langue anglaise, ce qui m’eût permis d’affronter les auditoires anglo-canadiens. Et il est assez probable que je serais revenu du centre