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mes mémoires

Rarement l’Université fera meilleure acquisition. Puisse-t-elle procurer longtemps à son nouveau maître le loisir de développer sa science de l’histoire canadienne et l’avantage d’en faire bénéficier le public montréalais, le pays tout entier !

Ce dernier trait constitue, de la part de l’Université, presque un engagement à l’égard du cours d’histoire du Canada. Le cours allait continuer.

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Ainsi, dès les débuts de cette année 1915-1916, apprend-on à Valleyfield, ce qu’est devenu le « petit vicaire » de Saint-Jean-Baptiste. Pour ma part, je n’ai qu’à méditer humblement les jeux secrets et combien miséricordieux de la Providence !

Dès mon entrée à Montréal, et ne sachant quel cours prendrait ma vie, je m’étais posé cette question : « Vers quoi orienter mes études ? » Quelques semaines plus tard, la question ne se posait plus. L’histoire m’allait saisir, ce monstre au froid visage, capable de fasciner, mais incapable de jamais lâcher sa proie. Venu tard à la sévère discipline, j’aurai beaucoup de temps à rattraper, et toute une technique à me mettre en tête, sans l’aide de personne, nulle école n’existant autour de moi qui pût m’enseigner mon métier. En toute hâte je me mets à piocher quelques manuels de méthode historique, entre autres, l’ouvrage de Seignobos qui me paraît systématique à l’excès. J’emprunte davantage à Travail scientifique du Père Fonck, d’une belle précision, plus pratique à mon sens que celui du théoricien de la Sorbonne.

En même temps, pour joindre le modèle à la théorie, persuadé qu’on ne saurait prendre meilleures leçons que celles des maîtres, j’entreprends la lecture méthodique des œuvres des grands historiens, de ceux au moins qu’on peut appeler les classiques de l’histoire. De leurs ouvrages, je ferai désormais la lecture assidue, mes livres de chevet. Je débute avec le Grec Thucydide, puis je continue avec Tite-Live, Salluste, Tacite que je lis dans les excellentes traductions Guillaume Budé. De là, je passe à l’école française et belge. Je lis presque en entier Godefroid Kurth qui me