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mes mémoires

me soir où M. Héroux annonce le cours, je retrouve ce passage trop aimable :

L’histoire du Canada devient à la mode, disait l’autre jour, à la bibliothèque Saint-Sulpice, M. l’abbé Perrier, et il semble que cet hiver l’on ira en histoire du Canada comme Mme de Sévigné allait en Bourdaloue…

Le lendemain, dans son compte rendu de la leçon, M. Héroux ajoute :

Il est maintenant sûr que la série des cinq conférences formera l’un de nos plus utiles volumes d’histoire canadienne ; il doit être à peu près sûr aussi que le cours deviendra une institution permanente.

On avait dit, paraît-il : le sort de cette chaire est entre les mains du public. Le public a donné sa réponse.

Dans les milieux de jeunesse, et voilà qui démontre encore quelle soif l’on avait d’un enseignement de l’histoire nationale, la joie est profonde. Un jeune collégien, alors étudiant au Collège Sainte-Marie, Hermas Bastien, racontera plus tard, dans L’Action nationale (janvier 1937), ses impressions et celles de ses camarades :

Je me rappelle les radieuses sorties des pensionnaires de Sainte-Marie qui suivaient alors les conférences du professeur d’histoire du Canada à l’Université. L’abbé Groulx traitait cette année-là de nos luttes constitutionnelles. Nous achetions, à l’issue de la conférence, le texte qui venait de nous être lu. Nous en achetions même quelques exemplaires pour nos confrères qui n’avaient pu assister à la conférence. Je me souviens d’en avoir vendu à prime. En récréation, les jours de pluie ou de neige, et sous les beaux soleils d’hiver, déambulant dans le préau, de jeunes rhétoriciens lisaient chacun une page de ces cours d’histoire. Le bénéfice était immense ; beaucoup d’enthousiasme, dans l’âme d’une douzaine de rhétoriciens. C’étaient les années de guerre. L’on devine l’effet de cette littérature nationale sur notre jeune irrédentisme.