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XXII

PROCÈS CANONIQUE

Jusqu’alors, je n’ignore rien, à la vérité, de la guerre de sape qui se poursuit contre mes amis et moi. Mais j’apprends tout par des confidences dont je ne puis faire état sans compromettre ceux qui me renseignent : collégiens, séminaristes ou prêtres. Aux vacances de Pâques de 1915, je vais prendre quelques jours de repos à Vaudreuil dans ma famille. Ici se place un épisode que je ne raconte qu’avec une infinie tristesse. Le chef du « gouvernement de la queue » — celui du collège — profite de mon absence pour se livrer à de violentes sorties contre ce qu’il appelle « mon œuvre néfaste ». Selon lui, « j’enseigne la révolte contre l’autorité ; je conduis la communauté à la ruine ». J’emploie bien entendu un euphémisme. À mon retour, un prêtre, deux séminaristes, témoins de l’invective, me mettent au courant. Ils sont de ceux qui trouvent l’atmosphère du collège irrespirable et qui songent à s’en aller. Si je veux en appeler à l’évêque, ils m’autorisent à me servir de leurs témoignages. En profiterai-je ? Aurai-je recours au tribunal ecclésiastique ? L’acte me paraît grave, peut-être peu charitable. Mais je le crois légitime. Je consulte un canoniste de mes amis, à Montréal : l’abbé Edmour Hébert, au courant de ces misères ; je m’enquiers de la procédure à suivre. Je consulte aussi mes plus proches amis qui m’incitent à ne pas manquer l’occasion. Je consulte aussi mon supérieur, l’abbé Pierre Sabourin, en grave mésintelligence lui-même avec la coterie. Et je prends ma résolution. J’intenterai un procès canonique au chef des diffamateurs. Je glisse sur les incidents de cette malheureuse affaire : sommation, dénégation, course rapide