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premier volume 1878-1915

La France est une nation contaminée que les peuples qui se respectent devraient mettre en quarantaine. »

Ah ! c’est qu’il croyait ferme à notre avenir. Mais, ajoutait-il, il vous faut à tout prix prendre dans l’ouest de solides positions. Là-dessus, il avait fait sienne, et il y croyait dur comme fer, l’opinion d’Élisée Reclus. Qu’on relise sa brochure, Le Canada et les intérêts français. Rarement un étranger a parlé de nous avec plus d’affection et d’intelligence. Les Canadiens français auront donc dans leurs prières un souvenir pour ce bon ami de la Nouvelle-France.

* * *

Il repose là-bas, dans l’humble cimetière de Penvénan. « Je veux, avait-il dit, reposer là, au milieu de mes gens. » Il avait souhaité mourir, comme tous les vieux marins de sa lignée, sur le pont de sa frégate, une balle au cœur, en un jour glorieux pour la France. Hélas ! la mort est venue l’atteindre prosaïquement dans un accident de voiture. Mais l’autre jour, quand on lui a mis son grand uniforme, son chapeau à plumes, sa claire épée de commandant, il a cru, sans doute, le vieil amiral, que son rêve se réalisait. Et il est parti, comme cela, sur le pont de sa vieille amie la Naïade, flamme à la drisse, pointant tout droit vers les étoiles et vers le grand port éternel, où pour attacher à sa poitrine la dernière décoration des braves, l’attendaient le Sacré-Cœur, Madame la Vierge et Madame Sainte Anne et Messire l’Archange Michel.

Abbé L.-A. Groulx
Le Devoir, 23 mars 1912.
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Fin septembre ou début d’octobre, je prends le train de Paris. À Paris où je ne ferai que passer, l’occasion m’est encore fournie de connaître la France chrétienne. La Croix y fête son vingt-cinquième anniversaire. Événement qui me permet de voir et d’entendre quelques-unes des notabilités de l’époque. À Paris je rencontre aussi un compatriote, Omer Héroux, déjà entrevu