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tate, font du sort de Riel une question de race et eussent regardé tout châtiment infligé au chef comme infligé à eux-mêmes. Dès la fin de l’année 1871 les sentiments de la plus grande partie de la population anglaise — toujours au dire du même témoin — ont considérablement évolué. « Le sentiment général dans la province (sauf dans le district de Lisgar) est favorable à Riel ». » De fait — je cite toujours Archibald — tous les Métis français et la majorité des Anglais regardent les chefs de l’insurrection comme des patriotes et des héros, et le gouvernement qui voudrait les traiter comme des criminels serait virtuellement obligé de méconnaître les principes du gouvernement responsable ». À la Chambre de Winnipeg, 19 représentants sur 24 ont voté « en faveur d’une politique qui mettra sur un pied égal toutes les classes, sans égard à leur conduite lors des troubles… » L’animosité au Manitoba n’est donc plus entretenue que par une infime minorité de turbulents, volontaires licenciés, immigrants de l’Ontario. Archibald s’en ouvre à Sir Georges-Étienne Cartier (24 février 1872) : « La difficulté n’est pas de contenir la population du pays, mais cette petite bande d’hommes désordonnés et désœuvrés qui infestent les tavernes de Winnipeg ». Seulement il y a qui parle plus haut que le sentiment du Manitoba, le sentiment de l’Ontario. Le péril fénien à peine passé, le parlement de Toronto armait contre Riel la main des assassins. Il promettait une récompense de $5,000 à qui capturerait les meurtriers de Thomas Scott ; le comté de Middlesex, comté d’origine de Scott, ajoutait généreusement à cette somme. Comme si, pour une faute commise chez lui, dans son pays, Riel fût devenu justiciable d’une province voisine. Tel est bien cependant l’épouvantail qui fit reculer et le gouvernement canadien et le gouvernement impérial. Sur ce point Mgr  Taché n’entretenait aucune illusion. Voici comme il s’exprimait, à Ottawa, en 1874, devant le Comité d’enquête sur les causes des troubles du Territoire du Nord-Ouest : « La seule raison que je connais, comme ayant fait retarder l’amnistie promise par Sir John Young, est la surexcitation des esprits dans toute la province et surtout dans la province d’Ontario. Ce n’est pas