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public, se considérer comme le premier gentilhomme du pays et en garder la correction. Or quoi de moins correct que ce chassé-croisé d’équivoques, de dérobades, de faux-fuyants, de restrictions mentales, où nos politiques des deux partis ont si peu accru leur prestige ? Je retiens pourtant que l’Archevêque Taché et le délégué à Ottawa du gouvernement provisoire, l’abbé Ritchot, ont affirmé tous deux, sous leur signature et sous la foi du serment, qu’une amnistie totale leur avait été bel et bien promise. Je relève encore, en passant, le mémoire secret du 8 juin 1870, à lord Lisgar, gouverneur du Canada, mémoire de Sir Georges-Étienne Cartier, où l’homme d’État canadien, alors ministre intérimaire de la justice, conseille une amnistie générale et pour tous les actes du gouvernement provisoire et pour ceux du parti canadien. Tous les témoins qui, en ce temps-là, ont pu aborder de près Sir Georges-Étienne Cartier, Benjamin Sulte, un moment secrétaire particulier de Sir Georges, M. A. Girard, ministre dans le premier cabinet manitobain, Joseph Royal, tous — le fait est à remarquer — ont parlé de l’amnistie comme d’un acte de clémence promis, assuré, et que Cartier disait même d’une promulgation prochaine. Je ne cite que le témoignage de l’honorable Joseph Royal, en 1874, devant le Comité Spécial de la Chambre des Communes, chargé d’enquêter « sur les causes des troubles du Territoire du Nord-Ouest, en 1869-70 ». Joseph Royal fait alors partie du gouvernement provincial du Manitoba. Ses votes postérieurs sur l’affaire Riel font de lui un témoin non suspect. Comme étudiant en droit, il a été « premier clerc » de Georges-Étienne Cartier. Or, en septembre 1870, trois mois après l’envoi de son mémoire secret au gouvernement impérial, le ministre intérimaire de la justice charge Royal d’aller dire à Riel et « de lui écrire » : « L’amnistie est une affaire décidée, c’est une affaire faite ».

Observons, du reste, l’attitude exacte du gouvernement canadien. Il a moins contesté la justice de la mesure que son opportunité. Il s’est surtout retranché derrière son incompétence à l’accorder. Son incompétence en la matière ne fait pas de doute. Sans pouvoir ni juridiction sur l’ouest