Page:Groulx - Les rapaillages, 1916.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La leçon des érables


Hier que dans les bois et les bruyères roses,
Me promenant rêveur et mâchonnant des vers,
J’écoutais le réveil et la chanson des choses,
Voici ce que m’ont dit les grands érables verts :

« Si notre front là-haut si fièrement s’étale ;
« Si la sève robuste a fait nos bras si forts,
« C’est que buvant le suc de la terre natale,
« Nous plongeons dans l’humus des grands érables morts.

« Si nos rameaux font voir de hautaines verdures,
« C’est pour perpétuer, au siècle où tout s’éteint,
« La gloire des géants aux fières chevelures
« Qui verdirent pour nous depuis l’âge lointain.

« Dans nos feuilles, parfois, une brise commence,
« Dolente, le refrain des vieux airs disparus.
« Écoutez : elle chante et l’âme et la romance
« Des aïeux survivants en nos feuillages drus.

« Tantôt, l’air solennel des graves mélopées
« Incline, avec le vent, notre haut parasol ;