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L’APPEL DE LA RACE

qu’on n’entame point. Par l’éducation que ces enfants ont reçue, par la langue qu’ils ont exclusivement parlée, par le déterminisme de la race qui pèse sur eux, une sorte de discipline fatale a fixé à jamais leurs façons de penser et de sentir, leurs façons de concevoir les problèmes fondamentaux de la vie ; une loi rigide a modelé impitoyablement les formes de leur esprit.

Mais la tentation ne s’arrête pas là. Voici que Lantagnac se met à douter de sa propre conversion. Ses beaux souvenirs, ses émotions de Saint-Michel s’évanouissent peu à peu, comme ferait arôme d’une fleur coupée de ses racines et qui achèverait rapidement dans l’eau d’une amphore sa vie artificielle. À chaque fin de semaine, tout a conspiré pour lui faire manquer sa visite au Père Fabien. L’atmosphère qu’il respire constamment à son étude, au barreau, dans les clubs, sur les terrains de golf, dans les salons où il en reste encore à ses anciennes relations, tout lui fait de sa nouvelle vie un accident plutôt qu’une habitude. Parfois même, sous le poids plus lourd de l’indolence qui reprend possession de lui, il lui arrive de se dire désespérément :

— Non, c’est inutile, je n’en sortirai jamais. Je porte en mes veines, comme un poison impossible à éliminer, tout le narcotique qui a endormi ma génération.