Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
LE COIN TOMBE

des mœurs inconnues à moi, qui me reposeraient du plaqué et du rectiligne anglais. Pour te le dire sans plus tarabiscoter, j’éprouvais quelque chose comme la fringale de Rica et d’Usbeck tombant à Paris. Ah ! oui, pauvre moi, c’était bien la peine de n’être pas blasé tout de suite, comme un fossile ou comme un politicien et de me donner l’air d’un jouveneeau plutôt « régence » ! Dès mon débotté, l’automne dernier, je me mis à le parcourir, ce Montréal. Hélas ! qu’ai-je vu ? qu’ai-je découvert, sinon le parfait maquillage des emporiums américains les plus authentiques ? Ah ! C’était ça !… j’allais, j’avançais, je regardais. Ahuris, à tous les cents pas, à tous les mille pas, mes yeux d’Ontarien se butaient à un nom de Normand pur sang, invariablement accouplé d’une enseigne en langue française quelquefois. C’était à se croire presque à Québec. Eh ! parlez-moi aussi de votre haute société canadienne-française. J’ai fréquenté, en ces derniers temps, quelques-uns de ces milieux mondains, qu’on m’avait dit aussi fermés qu’une caste de l’Inde. Mon nom, mais, plus que toute chose, mon éducation anglaise m’ont servi de passe-partout. Eh bien, ici encore, le croirais-tu ? tous ces snobs patentés, cravatés, à qui j’ai servi mon meilleur français, ne m’ont souvent répondu que par leur mauvais anglais. Hélas ! faut-il le dire & vous, mon cher père, à vous l’un des chefs de l’irrédentisme ontarien ? Les enfants des Bossanger, des de Frontenac, des Giboyer, des de Rougemont — tous gens