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L'APPEL DE LA RACE

cevoir, restés debout sur leur socle et paraissant contempler le désastre, deux files d’hommes de bronze. Il les reconnut et il nomma : Georges-Etienne Cartier, Alexandre Mackenzie, George Brown, John-A. MacDonald…

… L’attitude des statues devant cet amas de décombres, jetait sur toute la scène une sorte de mélancolie eschylienne. Le député le savait : l’écroulement des édifices parlementaires avait pris, dans le temps, la valeur d’un symbole. Plusieurs n’avaient pu s’empêcher d’y voir, dans l’ardente lutte des races, en pleine guerre, l’annonce de la chute prochaine du fragile État canadien. Ce souvenir revenait, en ce moment, à l’esprit de Lantagnac. Ces hommes du passé lui apparurent méditant sur une ruine politique et morale plus lamentable que les décombres entassés sous leurs yeux. Il fut tenté de leur crier :

— O hommes, ô vous, hier bâtisseurs d’une nation, dites-moi, qui donc a jeté votre œuvre à bas ?…

Puis, de plus en plus hypnotisé par le sens symbolique de la scène, Lantagnac continuait en soi-même :

— Oui, qu’est devenu, ô hommes, le grand rêve de 1867 ? C’est bien ce pays pourtant qu’alors l’on voulut dénommer le « Royaume du Canada ». Comment donc n’a-t-il pu s’ériger en patrie ? Moins de cinquante ans ont passé, et la réalité, hélas ! me le crie à moi, comme elle le crie à tous : la faillite est totale et l’écroulement est prochain.