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À LA RECHERCHE DU DEVOIR

gnèrent doucement la figure fatiguée de Lantagnac, lui donnèrent l’envie de prolonger sa promenade. Il regarda à sa montre :

— Déjà quatre heures et demie ! dit-il. Trop tard maintenant pour me rendre à mes bureaux. Allons marcher un peu et méditer en nous délassant.

Il prit à travers le parc Major, passa près des hautes tourelles du Château Laurier et se dirigea vers les édifices parlementaires. Depuis l’incendie mystérieux du 3 février, il n’était guère retourné vers le lieu du sinistre. Il lui plaisait, en ce moment, d’aller errer au milieu de ces ruines. Quand il eut gravi le deuxième talus des larges esplanades, d’un coup d’œil il put embrasser le spectacle des décombres. Quelle affreuse vision ! Là où se dressaient, il y a quelques mois à peine, la tour du parlement et les vastes édifices en gothique anglais, n’apparaissaient plus maintenant, dans un entassement chaotique, que des voûtes et des murs écroulés, des fenêtres aux yeux crevés à travers des pans de murailles effritées et noircies. Ça et là des poutres à demi calcinées, restées suspendues, se balançaient comme des bras de squelettes, pendant qu’au sommet des murs branlants, de larges plaques de tôle remuaient et criaient sous le vent, voix de fantômes sur cette scène de destruction. Du regard, Lantagnac parcourut d’un bout à l’autre le paysage funèbre. Tout à coup son émotion devint intense. À chaque extrémité du champ des ruines, il venait d’aper-