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L’APPEL DE LA RACE

— Noires, si vous voulez, fit celui-ci ; mais de la couleur de la réalité. Savez-vous que Lantagnac est passé hier au Droit, qu’il a demandé de ne plus publier son nom sur la liste des orateurs du 11 mai ? « Je ne vous dis pas que je ne parlerai point », a-t-il voulu préciser ; « mais, par mesure de prudence, ne m’annoncez plus ». L’optimisme du Père se montra surpris, fort alarmé de cette démarche de Lantagnac.

— Si le député de Russell a fait cela, dit-il, c’est assurément que les choses se gâtent chez lui. Il n’est pas homme à reculer. Les choses se gâtaient, en effet, chez Lantagnac. Le soir du 5 mai, il était sorti de son entrevue avec Maud, le coeur en agonie. Les propos tragiques que, pendant une longue heure, il avait dû échanger avec sa femme, les émotions qui l’avaient secoué, les souvenirs de sa vie de jeune fiancé qui lui étaient revenus, l’avaient remué jusque dans les fibres les plus fines de sa sensibilité. Une trop longue tension nerveuse lui enlevait, il le sentait et en gémissait, l’empire habituel de sa volonté. Comme tous les cérébraux qui ne le sont devenus que par éducation, par de longues compressions de leurs facultés affectives, Lantagnac portait à fleur d’âme un puissant courant de vie sentimentale toujours prêt à déborder pour tout envahir. Or, les fortes secousses qu’il a subies depuis quelque temps, l’affreux déchirement intérieur qu’il a ressenti, à la vue de son foyer prêt à crouler, tout cela ne