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L’APPEL DE LA RACE

dera. Je n’ai autorisé personne à dire que je parlerais. M’entendez-vous ? Personne. Elle parut se ranimer. Lentement elle leva vers lui ses yeux gonflés de larmes. Et, d’une voix que coupait encore l’étranglement des sanglots, elle dit :

— Vous savez bien, Jules, que j’ai tout quitté pour vous. Ne vous en souvient-il plus ? Non, reprit-elle, passionnément, non, je ne crois pas aux devoirs qui commandent de pareilles cruautés. Vous dites, mon ami, que vous vous devez aux vôtres, à votre race, à votre sang. Oubliez-vous que la même voix me parle et me commande ? Et ne se doutant pas de l’affreuse gravité des paroles qu’elle prononçait, tellement cet impérialisme sentimental lui était inné, elle continua :

— Il vous paraît affreux que vos enfants se séparent de ceux de leur lignée ? Ne Croyez-vous point que j’éprouve la même angoisse à les voir se séparer de leur mère ? En moi aussi, l’instinct de la race s’est éveillé ; il me tient et me commande impérieusement.

Puis, s’enflammant tout à coup, elle ajouta d’un ton subitement ferme et presque dur :

— Comme vous, j’ai aussi derrière moi tous les miens. J’ai encore dans l’oreille, l’accent terrible avec lequel mon père m’a dit : « Ecoute-moi bien, ma fille : j’ai donné ta main à M. de Lantagnac ; mais tu te rappelles ce qu’il était alors, ce qu’il voulait rester. Sache-le, je ne permettrai pas que Maud Fletcher demeure la femme d’un