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L’APPEL DE LA RACE

Le soir, à l’heure dite, son courage remonté le mieux possible, il frappa chez Maud. Il la trouva profondément affaissée dans un fauteuil. Un autre fauteuil était là, disposé auprès du sien. Elle leva la main pour l’indiquer à son mari et l’inviter à s’asseoir. Droit en face de lui, sur le mur, Lantagnac aurait, pendant ce long tête-à-tête, une photographie ancienne, lointain souvenir de leur voyage de noces. Tout auprès s’étalait le portrait de Maud, oeuvre du peintre Collins, que Jules lui avait offerte après la naissance de Wolfred et où la jeune femme survivait dans la douce auréole de sa première maternité. Un peu partout enfin, dans la chambre, il revoyait les photographies de ses enfants à leurs divers âges, images que Maud a disposées avec art, pour mettre son mari dans un milieu d’émotion. Aussi, commença-t-eMe d’une voix que faisait vibrer une affliction sincère :

— Mon cher Lius, vous comprendrez pourquoi je vous ai fait venir ici. Il y a si longtemps que notre intimité est morte, par ma faute peut-être, encore plus que par la vôtre ; je voudrais tant que, replacée dans son cadre, elle pût revivre. Lantagnac qui attendait au moins quelques légers reproches, se sentit fortement touché par ce début. Il répondit d’une voix aussi peinée :

— Ma chère Maud, croyez-vous que, moi aussi, je ne regrette pas ce qui est perdu, et que mon bonheur ne serait pas grand de voir tout cela ressusciter ?