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L’APPEL DE LA RACE

cet homme de ruse causait à la nature franche du gentilhomme, une sorte de souffrance physique. Ce mouvement ne put échapper à l’oeil de Duffin. Le beau-frère avait aux lèvres son sourire le plus onctueux, le plus fleuri.

— C’est bien cela, commença-t-il, affectant de badiner, on prend tous les Irlandais pour des mécréants, incapables même d’une visite à un auguste malade comme vous.

— C’est que, voyez-vous, Duffin, riposta cruellement Lantagnac, je vous crains moins faisant la guerre que faisant la charité.

Duffin prit ou affecta de prendre de bon coeur la boutade. Il rit à gorge déployée :

— On m’avait bien dit que vous passiez par une révolution de bile.

— Et vous m’obligez à vous dire, riposta encore Lantagnac, que votre arrivée ne m’en a pas guéri.

Les deux hommes échangèrent ainsi, en riant, quelques brocards, mais la conversation prit bientôt une tournure tempétueuse. Lantagnac avait, du reste, contraint Duffin à marcher droit au fait. Coupant court aux phrases préparatoires du visiteur, brusquement il lui avait dit :

— Voyons, Duffin, maintenant que vous avez satisfait à votre devoir de charité, quel autre but vous amène chez moi ?

— Encore la charité, mon cher, répondit Duffin, sans se troubler. Vous avez toujours l’intention de prendre part au débat du 11 mai ?