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L’APPEL DE LA RACE

d’âme, l’attitude du vaincu nous étaient prêchés comme un devoir ? qu’oser rêver d’indépendance pour le Canada, qu’oser seulement parler de l’union des Canadiens français pour la défense politique ou économique, nous étaient représentés comme autant de choses immorales ? Le sait-on, mon Père ?

Lantagnac avait raison. À sa sortie du collège, le hasard, le besoin de gagner l’avaient conduit vers l’étude du célèbre avocat anglais George Blackwell. Ce hasard lui valut d’aller faire ses études de droit à l’Université McGill. Dans ce milieu le jeune homme acheva de perdre le peu qui lui restait de son patriotisme français. En peu de temps il se convainquit que la supériorité résidait du côté de la richesse et du nombre ; il oublia l’idéal latin, la culture française ; il se donna l’arrogance de l’anglicisé. Le mépris de ses compatriotes n’était pas entré dans son cœur ; mais la pitié y était, une pitié hautaine pour le pauvre qui ne veut pas guérir de sa pauvreté. Devenu avocat, se sentant mal à l’aise parmi les siens, il prit la route d’Ottawa. Sa belle intelligence, son ardeur au travail, son don de parole lui créèrent rapidement une opulente clientèle. Lantagnac — il ne s’appelait plus maintenant que M.  de Lantagnac — devint l’avocat le plus achalandé de la capitale, le conseiller de plusieurs puissantes compagnies et maisons d’affaires anglaises, entre autres de la célèbre « firme » de construction Aitkens Bro-