Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
L’ÉMANCIPATION D’UNE ÂME

par toutes ses craintes. Elle suivait, avec une sorte de terreur, l’évolution indéfinie où s’acheminait la pensée de son mari. Souvent, au début de cet hiver de 1915, à la vue d’un changement radical en certaines habitudes de Jules, devant son refus fréquent d’accompagner sa femme au milieu de leur ancienne société, devant sa manie de s’enfermer chez lui, pour des besognes toujours urgentes, à ce qu’il disait, souvent Maud accourait tout éplorée chez Nellie. Et c’était entre la mère et la fille, des confidences pleines de stupeur et de larmes, des plans d’actions qui n’aboutissaient point, des tensions d’esprit vers l’avenir qu’on scrutait avec angoisse.

— Mon Dieu ! disait Maud, où cela nous mène-t-il ? Combien de temps, à ce régime, pourrons-nous vivre ensemble ?…

Hélas ! la pauvre femme n’eut pas trouvé ses appréhensions trop vives si elle eût pu lire, à cette époque, le journal intime de son mari. Ouvrons ce journal. Lantagnac qui n’avait rien de l’égotisme romantique, n’y écrivait qu’à des dates fort éloignées, ses plus durables impressions. Mais ces pages trop rares vont nous dire avec quelle magnanimité, quelle ardeur absolue, cette âme de Français entreprit de se libérer de ses anciennes attaches.

15 décembre 1915 : « Le passé se rachète-il ? Un remords angoissant m’étreint le cœur. Je songe que, pendant vingt-cinq ans, moi, riche avocat, j’ai donné aux miens le scandale de l’apos-