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LE CHOC SAUVEUR

violents, aux anathèmes sans rémission. Maud risqua d’abord, contre son propre sentiment, une timide défense de son mari ; puis ne dit plus mot quand la conduite de Jules lui fut représentée comme un défi à la famille Fletcher, à son loyalisme, comme un mépris des sentiments les plus intimes, les plus délicats de sa femme. Le vieux Fletcher ne gardait plus même de mesure ; il en était aux outrages ; et tous les vieux clichés du fanatisme francophobe y passaient :

— Quoi donc ! grommelait-il, hors de lui ; un allié des loyalistes Fletcher portant son appui à la cause de ces Français, descendants de bûcherons, porteurs d’eau, scieurs de bois, à cette race envahissante qui se reproduit comme les lapins…

Le vieux Davis alla plus outre : Maud devait user de toute son influence pour faire retirer la candidature de Russell. Au besoin, elle devrait même recourir aux suprêmes menaces. Qu’était-ce qu’une union conjugale où le mari et la femme se divisaient sur des questions aussi essentielles ?

— Si tu as du cœur, ma fille, avait osé dire le vieux Davis, tu arrêteras, et tu sais comment, ce scandale qui nous ruine tous.

Maud obéirait-elle à cette injonction impérieuse ? Oserait-elle prononcer sitôt le mot décisif ? La pauvre femme se sentait, depuis quelques jours, en proie aux sentiments les plus tumultueux. Au premier abord, elle s’était trouvée désemparée devant ce coup de foudre qui détruisait sans merci, sa sécurité, son insouciance