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L’APPEL DE LA RACE

surtout de l’énergie. Du col de la soutane une belle tête se dégageait, encadrée d’une haute chevelure noire, tête puissante et carrée l’esprit se mouvait à l’aise, où les yeux forts et doux, prenaient vite, quand ils s’arrêtaient sous leur grande arcade, une fixité métallique, froide et gênante. Les lèvres, fermes, mais facilement frémissantes, laissaient passer le sourire fin et le rire clair. Le Père Fabien respirait avant tout la santé spirituelle, le tempérament fortement discipliné. Esprit cultivé, homme de doctrine mais plus encore de prière, chez lui, on le savait, le long crucifix de cuivre passé à la ceinture était mieux qu’un détail du costume ; c’était le sceau d’un caractère et d’une vie. Aussi, les plus hautes personnalités de la capitale canadienne allaient-elles frapper à la cellule de cet admirable directeur d’hommes. Du reste, il suivait de très près le mouvement des idées et la politique de son pays. De la fenêtre de son couvent de Hull, n’avait-il pas, là-bas, sur l’autre rive de l’Outaouais, comme horizon persistant et figé, la colline parlementaire ? Ajoutons qu’en ces derniers temps, les circonstances avaient mêlé l’oblat, de façon très active, au conflit scolaire ontarien. Ancien professeur à l’Université d’Ottawa, il avait laissé son cœur sur la terre voisine, parmi ses compatriotes opprimés. Sans cesse il cherchait à leur susciter des défenseurs, des chefs. Et c’est bien aussi ce mot de « chef » que spontanément, lui avait soufflé tout à l’heure