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Jeanne Mance


En ce printemps de 1944, je m’étais réfugié à la campagne, par besoin d’air et d’un peu de repos. Une jeune fille, en costume d’infirmière, vint me relancer dans ma solitude. La veille, arguant de ma fatigue, j’avais refusé de me rendre à l’invitation de la Supérieure de l’Hôtel-Dieu de Montréal qui désirait une conférence sur Jeanne Mance, pour je ne sais plus quel anniversaire. On sait que, dans les communautés, il y a toujours quelque anniversaire à fêter. Où la Supérieure avait échoué, on crut qu’une infirmière réussirait mieux. Celle-ci plaida sa cause avec une éloquence si persuasive et si tenace que je capitulai honteusement. J’ai oublié de vous dire qu’elle avait les yeux noirs ; et qu’elle était, par-dessus le marché, ma nièce. Et voilà comment, devenu, par la faute de nos évêques, président du Comité des Causes en béatification au Canada, j’offre aux lecteurs cette conférence sur Jeanne Mance.

Je vous en préviens tout de suite : c’est la femme encore plus que la chrétienne ou la mystique que je veux étudier en Jeanne Mance. J’insisterai moins sur ses vertus que sur son rôle historique. Car, à mon sens, la meilleure propagande, même pour les saints, c’est encore celle que l’on ne se donne pas l’air de faire. Je voudrais donc me pencher d’abord sur l’âme, sur la psychologie de mon personnage, méthode qui, sur toute œuvre humaine, quelle qu’elle soit, fournit le premier éclairage. Dites-moi qui vous êtes, et je vous dirai votre histoire. Axiome dont il faut se méfier, mais qui, comme tout axiome, contient sa part de vérité.