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de l’Église. Pour les grandes âmes, il existe d’ailleurs une immortalité même terrestre. « Les classiques, a dit André Rousseaux, sont les livres qui ne meurent pas. » Il y a aussi des hommes qui ne meurent pas, et, au premier rang, les saints. Ils sont et ils restent les suprêmes vivants. Pour eux, nous le savons, nous catholiques, la mort n’a pas été la mort. Leur vie n’a pas subi d’interruption. Elle s’est continuée par delà ce monde, dans une transfiguration, un agrandissement indicible. Mais, même ici-bas, leur prodigieuse destinée veut qu’ils connaissent une autre immortalité, une survivance incomparable : culte et souvenir d’une autre essence que la simple gloire humaine, parmi des millions de fidèles dont les générations ne s’achèvent jamais, survie faite de vénération et d’amour auxquels ne sauraient prétendre les plus grands de la terre. Et cette survivance, n’est-ce pas la vôtre, petite fille de Langres, qui, un jour de 1642, abordiez aux rivages de l’île montréalaise, pour y être la conseillère du fier Maisonneuve, la compagne aimée de Marguerite Bourgeoys, la sœur en héroïsme des jeunes preux de 1660, l’hospitalière au cœur d’or dont le souvenir, après trois cents ans, éveille encore, dans nos cœurs de Canadiens, un écho si puissant ?

Lionel Groulx, ptre,
Président de l’Institut d’Histoire de l’Amérique française.