Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moulin où Marianne vient se faire manger son âne, le moulin qui va trop vite, le moulin qui va trop fort, quand le meunier dort. Quelquefois le moulin n’a point d’ailes ; placé près d’un torrent il est à eau et une longue dalle lui apporte la force motrice. Au moulin tous les censitaires viennent faire moudre leur grain et y laissent comme droit de mouture, le quatorzième minot. Car le moulin banal bâti aux frais du seigneur, est resté sa propriété.

Le seigneur ! Je vous présente le premier personnage de la paroisse après le curé. Vous apercevez son manoir, à quelque distance de l’église, dans un enfoncement d’ombrage. Rien que de très modeste assez souvent que ce manoir du seigneur de la Nouvelle-France. Point de créneaux, point de tourelles en poivrières, point de mâchicoulis ni de pont-levis. Le manoir garde l’apparence d’une maison de ferme autant que d’un château ; à peine s’accorde-t-il parfois le luxe d’une ou deux tours de mine féodale, mais seul il a droit au pigeonnier et à la girouette qui tourne et crie sur son toit. La plupart du temps, pauvre officier en retraite, n’ayant pour toute fortune que son épée et la gloire de ses campagnes, le seigneur canadien, de grandes manières et de bonne race, il est vrai, garde figure, parmi ses censitaires, d’un débonnaire bourgeois, ou mieux d’un fermier