Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les inventaires d’alors, le notaire parle invariablement du cheval tout attelé au cabrouet, le fouet à la main. Le cheval, c’est encore, plus que le bœuf, la bonne bête de travail, plus mouvante, plus éveillée, et d’une beauté plus à main, avec plus de train et plus de vaillantise. Le cheval c’est le bon coureur qui vous emporte comme une poussière ou une poudrerie vers les bonnes veillées, vers la parenté lointaine, et qui, dans le chemin, ne se laisse jamais passer. Nos ancêtres sont chatouilleux sur ce point ; ils ne donnent jamais le chemin qu’on ne le leur ait demandé, et pour tenir tête aux vaillants-poches, ils comptent sur la vitesse de leur cheval qui est toujours, bien entendu, le meilleur de la paroisse. Le voyageur qui veut faire une course rapide, n’a qu’à vanter l’excellence des chevaux étrangers, raconte le voyageur Weld. La recette est infaillible : tout de suite, l’amour-propre de l’habitant est piqué au vif, sa tête s’échauffe, sa colère s’allume, il accable son cheval de coups de fouet, lui crie sans cesse marche donc, et l’on va de la sorte le train que l’on veut.[1]

Le jeune Philippe-Aubert de Gaspé s’en revenait un jour de la Cour de circuit de Kamouraska, en cabriolet, avec son ami Plamondon. Ils avaient un cheval très violent. À l’anse de Berthier ils rejoignent un brave habitant qui s’en va en petite charrette, avec

  1. Histoire de la Seigneurie de Lauzon, t. IV, p. 186.