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DU DROIT DE LA GUERRE ET DE LA PAIX. S ner un État sans injustice*. Ajoutez à cela*que les diffé- rends survenus entre les peuples ou les rois ont toujours le dieu Mars pour arbitre. Ce n’est pas une opinion ré- pandue seulement dans le vulgaire, que la guerre est absolument incompatible avec toute espèce de droit ; mais il échappe encore à des hommes instruits et pru- dents des paroles qui tendent à accréditer cette manière de voir. Rien, en effet, n’est plus fréquent que d’enten- dre mettre en opposition le droit et les armes. Le poète Eunius a dit : « Ce n’est pas sur le terrain des lois que l’on combat, mais c’est plutôt par le fer qu'on revendique sa propriété. » Horace décrit ainsi l’irascibilité d’Achille : « Il nie que des lois aient été faites pour lui, et ne de- mande rien qu’à son épée. » Un autre poète fait parler en ces termes un autre conquérant au début d’une guerre : « Ici je laisse en arrière la paix et les lois vio- lées"^. » Le vieil Antigone railla un individu qui lui pré- sentait un traité sur la justice, au moment où il faisait le siège de villes qui ne lui appartenaient pas 3. Marius disait que le bruit des armes empêchait d’entendre la voix des lois (*). Pompée lui-même, dont l’extérieur avait tant de modestie, osa dire : « Quand je suis anné, puis-je penser aux lois (**) ? »

  • Voir Tacite, Annal., lib, XV, c. i. *

^ LucAiN, Pharsale, lib. I, vers. 225. ’ Plutarque, De Fort. Alexand. magn. {’) On voit dans Plutarque, Lysandre montrant une épée et disant : Celui qui la tient est celui qui raisonne le mieux sur le règlement des limites. Dans le même auteur, César dit que le temps des armes n’est pas le môme que celui des lois. Sénèquc dit, au livre IV de Denef., cliap. XXXVIII, que « les princes accordent quelquefois bien des choses en fermant les yeux, et sans examiner si ce qu’on leur demande est raison- nable ; surtout à la guerre, où un seul homme, juste et équitable, n’a pas de quoi contenter tant de passions armées. 11 n’est pas possible d’être en même temps homme de bien et bon général. » Grotius. (’*) Plutarque exprime en ces termes cette parole de "Pompée aux Ma- merlins : « Ne cesseret-vous pas de nous réciter les lois, à nous qui