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fie de justes des choses exemptes d’injustice. Quelquefois aussi on rapporte par abus au droit naturel des choses que la raison fait regarder comme honnêtes, ou comme meilleures que celles qui leur sont opposées, quoiqu’elles ne soient pas d’obligation.

4. Il faut savoir de plus que le droit naturel ne regarde pas seulement les choses qui sont en dehors de la volonté des hommes, mais qu’il a aussi pour objet beaucoup de choses qui sont une suite de quelque acte de cette volonté. C’est ainsi que la propriété, telle qu’elle est à présent en usage, a été introduite par la volonté humaine ; mais du moment où elle est introduite, c’est le droit naturel lui-même qui m’apprend que c’est un crime pour moi de m’emparer, contre ton gré, de ce qui est l’objet de ta propriété. Aussi le jurisconsulte Paul a-t-il dit que le vol est interdit par le droit naturel[1] ; Ulpien, que c’est une action naturellement déshonnête Euripide, dans ces vers d’Hélène, que c’est un acte qui


    une admirable analyse de ces deux notions d’obligation et de liberté, et parfaitement indiqué leurs rapports essentiels. L’obligation morale n’est point une impulsion de la sensibilité, ou une force étrangère et nécessitante ; c’est un» Idée, un concept qui s’impose nécessairement à la raison, mais sans maîtriser l’activité. Cette idée, ce concept, c’est qu’un être libre ne peut raisonnablement se proposer pour fin que d’accomplir sa destinée, de concourir à l’ordre, de faire le bien. Mais ce principe qui est d’une évidence irrésistible, n’enchaune que notre jugement et nous laisse maîtres d’y conformer ou non notre conduite. Voir : Kant, Critique de la raison pure pratique, {{liv.|I, {{chap.|I ; Jouffroy, Cours de Droit naturel, leçon XXVI ; le Manuel de Philosophie, etc., p. 349 et suiv..

  1. « Après la loi, dit l’empereur Julien, qui regarde la connaissance et le culte de Dieu, il y a une autre loi sacrée et divine de sa nature, qui ordonne de s’abstenir toujours et partout du bien d’autrui, et de n’y attenter ni par ses discours, ni par ses actions, ni par ses pensées secrètes. » Cicéron, dans le livre III du Traité des devoirs, dit d’après Chrysippe, que « chacun peut, sans injustice, chercher son propre avantage ; mais qu’il est contre le droit d’ôter aux autres les biens qui leur appartiennent. »