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qu’affectionnent les Scoliastes — par réduction, auxquelles le droit naturel n’est pas formellement contraire. C’est ainsi que nous avons dit tout à l’heure qu’on quali-


    Dieu ne l’aurait pas ordonné. » (Essai sur le fondement du droit naturel, dans le traité du Droit des gens de Vattel, édition Guillaumin, t. I, p. 16 et suiv.).

    La philosophie moderne a donné raison à Grotius contre Barbeyrac. Elle enseigne, avec le publiciste hollandais, et avec les plus beaux génies de l’antiquité, que le bien n’est pas tel parce qu’il plaît à Dieu, mais qu’il plait à Dieu parce qu’il est bien, et que, par conséquent, ce n’est pas dans les dogmes religieux qu’il faut chercher le titre primitif de la légitimité des vérités morales. Sur les traces de Platon, les plus grands docteurs de l’Église, saint Augustin, saint Anselme, saint Thomas, et dans les temps modernes les plus illustres philosophes, Mallebranche, Fénelon, Leibnitz, se sont accordés à reconnaître la parfaite indépendance de l’idée du bien, et à y subordonner la volonté divine. Voir M. Cousin, argument de l’Euthyphron, dans le tome Ier de la traduction de Platon. — M. Jouffroy s’est fait, à notre époque, l’éloquent interprète de la vraie théorie du bien en soi, qui dans la philosophie païenne avait été entrevue déjà par Aristote et par les stoïciens. Deux choses sont immédiatement évidentes suivant celle doctrine : la première, c’est que tout être a une fin, la seconde, que la fin d’un être est son bien. Cela posé, comme la fin de chaque être est liée à celle de tous les autres êtres de la nature, la raison ne peut pas ne pas s’élever de l’idée de la fin d’un certain être à celle de la fin universelle de tous les êtres ; de l’idée du bien d’une nature donnée, à l’idée du bien général des choses ; de l’idée de la loi et de l’ordre d’une destinée particulière, à l’idée de la loi universelle, de l’ordre universel. Ordre universel, loi universelle, accomplissement de la fin universelle des êtres, ce sont là les traductions diverses d’une même idée, l’idée du bien absolu, du bien en soi et par soi. Maintenant comme la fin d’un être est fondée sur sa nature, comme la nature des êtres est l’ouvrage de la volonté de Dieu éclairée par sa raison, et comme la volonté et la raison de Dieu sont elles-mêmes fondées sur son essence, il est clair que la base suprême et la substance du bien, c’est Dieu même dont la volonté a produit tous les êtres, dont la raison les avait conçus d’avance, pour ainsi dire, et en leur assignant leur nature, avait marqué leur fin et leur loi. C’est en ce sens qu’Aristote définissait Dieu la cause finale du monde… (Voir le Manuel de philosophie, par Am. Jacques, Jules Simon, Émile Saisset, 2e édit., p. 347).

    Quant à l’obligation morale, la philosophie moderne enseigne aussi qu’elle naît de la liberté de l’agcnl, cl qu’elle la suppose. Kant a présenté