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le drame du polaris.

autour du corps détonnant et qu’il serra au moyen de cordages empruntés à la barque. Cette sorte de pétard muni d’une mèche fut enfoui dans un trou creusé dans l’épaisseur de la glace et recouvert des plus gros morceaux qu’on put apporter. Le feu fut mis à cette mine qui donna lieu à une détonation sourde mais aussi puissante que celle qu’aurait produit un coup de canon.

Les naufragés anxieux regardaient en vain le navire qui restait aussi immobile que s’il eût été désert.

La nuit survint, et se cramponnant à cette dernière espérance, les naufragés creusèrent dans la glace une sorte de large cuvette dans laquelle ils versèrent tout ce qui leur restait d’huile de phoque. Des morceaux de toile et de cordages effilés formèrent un faisceau de mèches qu’on alluma. Une grande flamme apparut : mais hélas, ils eurent beau activer la combustion, cette flamme large et dégageant une telle chaleur qu’on pouvait à peine approcher, ne put atteindre même la hauteur d’un mètre. Quel espoir d’être remarqués à distance sur un signal si peu visible, quand toute une journée d’efforts s’était écoulée sans succès ?

Le 30 avril, quand le jour reparut, les malheureux naufragés fouillèrent vainement l’horizon : le navire avait disparu, sans avoir conscience de leur existence !

Nous disons qu’il n’y eut là ni parti pris inhumain, ni lâche abandon, comme cela a été reproché au