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le drame du polaris.

C’est au milieu des tourments de la faim, des atteintes d’un froid cruel que s’écoulaient les jours ; bientôt une remarque affreuse vint compliquer encore la situation et répandre l’épouvante dans tous les cœurs. Le banc de glace sur lequel ils étaient continuait sa course vers le sud, mais à chaque pas il rencontrait d’autres blocs entraînés comme lui par la débâcle, et à leur choc ses bords s’effritaient. Le domaine des naufragés allait ainsi en diminuant chaque jour, et déjà il était réduit de plus de moitié quand le soleil reparut. On était arrivé dans le détroit de Smith et l’on continuait à dériver à une distance égale des deux côtes.

Le capitaine Tyson aurait bien désiré tenter de se rapprocher de la terre ferme et d’y débarquer, mais il n’osa le faire avec des hommes malades, indisciplinés et devenus incapables d’aucun effort.

Avec le jour, les provisions devinrent plus abondantes. Chaque jour les Esquimaux apportaient des phoques et des oiseaux aquatiques qui se montraient en nombre prodigieux.

Un jour Joë se précipita dans la maison de glace habitée par le capitaine Tyson.

— Capitaine, dit-il, accourez avec votre riffle, il y a un ours blanc dans mon kayak.

M. Tyson ne se le fit pas dire deux fois ; c’était une trop bonne aubaine pour la laisser échapper. Il glissa une balle dans son riffle et se traînant dans la glace il arriva près de l’animal qu’il trouva en train