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les marins du fraya.

Quand arriva la fin du mois d’avril, il ne restait plus aux deux solitaires que trois charges de poudre, c’est-à-dire trois coups de fusil à tirer. La famine se montrait dans une perspective rapprochée avec toutes ses horreurs. Heureusement, le jour venait de succéder à l’interminable nuit polaire. Nielsen et Olsen se remirent en route vers le sud, espérant rencontrer quelque campement de Samoyèdes pêcheurs, retenus comme ils l’avaient été eux-mêmes par le froid précoce et inattendu.

Ils marchèrent quelques jours, suivant toujours les côtes de la Nouvelle-Zemble et ménageant leurs maigres provisions avec toute la sollicitude de gens menacés de mourir de faim. Tout à coup Olsen signala dans le lointain à son compagnon de route la présence d’une cabane samoyède. Ils s’avancèrent précipitamment vers ce port de salut et quelle ne fut pas leur stupéfaction de retrouver, au milieu des pêcheurs samoyèdes, quatre de leurs camarades dont ils avaient pleuré la mort.

Nous allons dire comment ces malheureux, abandonnés, sans armes, sans vivres, sans provisions, au milieu d’une tempête de neige, avaient réussi à échapper à une mort que rien semblait ne pouvoir conjurer.

Quand les deux chasseurs eurent perdu de vue leurs compagnons, le traîneau qu’ils emmenaient à leur suite, les cinq matelots abandonnés, perdus dans un horizon sans bornes, malades, blessés et invalides, se regardèrent avec stupéfaction et se